Fonctionnement du transgénérationnel et son impact sur l’individu
Certains symptômes s’accrochent, défiant toute logique. Les familles, parfois, semblent rejouer la même partition à chaque génération, même si personne ne se rappelle en avoir appris la mélodie. Des recherches récentes mettent en évidence des liens entre événements vécus par des ancêtres et troubles actuels, même en l’absence de transmission directe. La compréhension de ces mécanismes ouvre la voie à de nouvelles stratégies de prise en charge thérapeutique.
Plan de l'article
Comprendre la thérapie transgénérationnelle : origines, principes et champs d’application
La thérapie transgénérationnelle puise ses racines dans les travaux d’Anne Ancelin Schützenberger, figure emblématique de la psychogénéalogie en France. Cette approche, influencée par la psychanalyse, propose d’explorer l’histoire familiale pour démêler les fils d’événements marquants et de répétitions. À partir de l’observation des schémas récurrents, elle avance que certains troubles ne trouvent pas leur origine dans la seule expérience individuelle, mais dans une transmission inconsciente de la mémoire familiale.
Pour cela, la démarche s’appuie sur des outils tangibles : l’arbre généalogique et le génogramme, véritables cartographies relationnelles. Ces supports dévoilent ruptures, deuils, secrets ou non-dits, que le thérapeute encourage à revisiter. L’objectif ? Mettre en lumière la circulation invisible des traumatismes, des exclusions ou des pertes, et leur poids dans le vécu actuel. Le psychanalyste Bruno Clavier souligne combien reconnaître ces héritages, c’est déjà entamer un chemin de libération.
Les terrains d’application de la thérapie transgénérationnelle sont multiples. Que ce soit pour désamorcer des conflits relationnels, comprendre des scénarios d’échec à répétition, ou accompagner une souffrance anxieuse ou dépressive, la méthode s’adresse à tous les âges, en séances individuelles ou en groupe. Elle questionne la capacité de chaque personne à prendre ses distances avec les loyautés silencieuses, à redonner du sens à son histoire, à retrouver une stabilité intérieure. L’intérêt pour la mémoire transgénérationnelle s’amplifie, notamment sous l’impulsion de l’épigénétique et de la réflexion sur les traumatismes hérités au sein des familles.
Quels mécanismes relient l’histoire familiale aux difficultés individuelles ?
Les traumatismes transgénérationnels agissent souvent en sourdine. Un secret de famille, une perte jamais évoquée, une exclusion passée sous silence : autant de charges émotionnelles susceptibles de traverser les générations. Un enfant peut, sans en avoir conscience, hériter du poids d’un événement tu par ses parents ou grands-parents. La transmission des traumatismes s’effectue alors à travers les silences, les comportements, les peurs irrationnelles, imprimant des schémas répétitifs au sein de la famille.
L’éclairage de Bruno Clavier et d’Anne Ancelin Schützenberger aide à saisir la profondeur de ce phénomène. Les mémoires transgénérationnelles s’inscrivent dans l’histoire collective : une famille marquée par l’exil, la guerre ou un deuil non nommé peut voir ces cicatrices ressurgir, sous des formes troubles, chez un descendant. Ces transmissions se manifestent parfois par des blocages ou des symptômes dénués d’explication rationnelle.
Voici quelques exemples concrets de la façon dont ces mécanismes peuvent s’exprimer :
- Un adulte qui enchaîne les ruptures ou se heurte sans cesse au même type d’obstacle peut porter, sans le savoir, un héritage familial non reconnu.
 - Des croyances limitantes, des peurs lancinantes ou des angoisses chroniques trouvent parfois leur source dans une histoire parentale inachevée.
 
Le système familial agit alors comme une caisse de résonance, chaque membre, adulte ou enfant, absorbant les non-dits et les intégrant à sa propre trajectoire. La transmission des schémas se situe à la croisée de la mémoire collective et de l’expérience intime, sans jamais enfermer complètement l’individu dans un destin tout tracé.
Des outils concrets pour se libérer des traumatismes hérités et avancer sereinement
La thérapie transgénérationnelle gagne du terrain dans l’accompagnement thérapeutique en France. Elle propose d’explorer l’arbre généalogique pour revisiter les liens, les événements fondateurs et les silences qui circulent d’une génération à l’autre. La psychogénéalogie, rendue accessible au grand public grâce à Anne Ancelin Schützenberger, met en avant le génogramme : un outil graphique qui retrace, sur plusieurs générations, les filiations, alliances, exclusions ou secrets de famille. Ce travail rend visibles les schémas invisibles, favorisant la compréhension et le désamorçage des loyautés inconscientes.
Parmi les méthodes complémentaires, les constellations familiales se démarquent. Cette pratique, conçue par Bert Hellinger, combine une vision systémique et une mise en scène spatiale du système familial. Les participants incarnent les membres de la famille, révélant tensions, blocages ou dynamiques cachées, et permettant d’esquisser un mouvement de résolution. Le psychodrame et la thérapie familiale créent également des espaces de parole et d’expérimentation, utiles pour revisiter, rejouer et transformer les rôles attribués ou subis depuis l’enfance.
L’EMDR, initialement destinée au traitement des traumatismes individuels, s’intègre aujourd’hui dans la prise en charge des transmissions familiales. Ce protocole validé permet d’apaiser les souvenirs douloureux et d’atténuer des émotions persistantes, même lorsqu’elles semblent étrangères à l’histoire vécue du patient.
Les professionnels de la santé mentale constatent que ces approches, qu’elles s’adressent à des enfants, des adolescents ou des adultes, participent à alléger le fardeau des transmissions inconscientes. L’expression, la reconnaissance des blessures passées et la symbolisation du vécu familial ouvrent la porte à un processus d’individuation plus serein, et offrent la perspective d’un équilibre psychique retrouvé.
Prendre conscience de ce que l’on porte parfois à son insu, c’est déjà amorcer le mouvement. Reste à imaginer ce que chaque individu, affranchi de l’invisible, pourrait transmettre à son tour.
            